Brême et la lutte anti-pirate (1814–1819) : un prélude à l’action coloniale contre les Barbaresques

Tilman Hannemann
In: Savoirs d’Allemagne en Afrique du Nord XVIII^e–XX^e siècle. Sous la direction d’Ahcène Abdelfettah, Alain Messaoudi et Daniel Nordman. Paris: Bouchène 2012, S. 73–95

Pendant la période entre 1814 et 1819, une campagne publicitaire transnationale se déroule à l’échelle européenne. Elle accuse les « États barbaresques », c.-à-d. les Régences d’Alger, de Tunis et de Tripoli, de se livrer à la piraterie et à l’esclavage des chrétiens. Elle utilise les moyens de la presse, de publications scientifiques, de circulaires et de discours publiques pour gagner l’opinion publique européenne à sa cause. À son apogée en 1816, elle mène au bombardement d’Alger par une flotte anglaise-hollandaise.

L’article retrace cette campagne en s’appuyant principalement aux sources inédites des archives d’État de la ville portuaire de Brême. Suite au lancement de la campagne en 1814/15, les villes hanséatiques en Allemagne constituent un noyau central dans le réseau anti-pirate. Nous entendons d’abord identifier quelques acteurs principales et d’interroger leur mobiles idéologiques et réligieux. Si les acteurs professent des orientations très diverses, ils s’accordent néanmoins sur les points essentiels du libre-échange, des valeurs humanitaires et d’une réforme religieuse. Ensuite, nous examinons l’influence de la campagne dans la politique européenne et allemande. Remarquons que le danger de la piraterie y est systématiquement exagéré avec le but d’unifier les pouvoirs contre un ennemi commun, soit en ayant recours à une vague rhétorique religieuse, soit en préconisant la notion séculaire du commerce mondial. En effet, l’intérêt des acteurs allemands se résume finalement à l’effort de donner de sens à l’arrangement provisoire de la Confédération germanique.

Malgré l’échec de ces efforts, il ne faut pas négliger l’influence à longue terme de la campagne sur l’opinion publique européenne. Elle a sans doute contribué à percevoir les États barbaresques commes des régimes « hors la loi » et elle a ainsi préparé le terrain à la colonisation française.

Hinzugefügt am 14. März 2012 | Tilman